La crise du logement s’intensifie en France. Cet article explore pourquoi et comment les investisseurs doivent repenser leur rôle, avec des leviers concrets pour allier performance et impact, et des exemples de montages innovants.
On ne va pas se mentir : le logement en France est en train de craquer. Trop cher, trop mal réparti. Depuis 20 ans, on a empilé les dispositifs d’incitation comme le Pinel, mais les logements ont été construits là où la rentabilité était facile, pas là où les besoins étaient criants. La production de logements abordables est structurellement insuffisante, et la désarticulation territoriale alimente la crise.
Et pendant qu’on commente les taux d’usure ou la fin du Pinel, une autre réalité progresse en silence : des millions de Français attendent un toit, des bailleurs sociaux tirent la langue, et les investisseurs, eux, restent souvent à l’écart du sujet.
Et pourtant, le moment est venu de s’interroger. En tant qu’investisseurs, avons-nous un rôle à jouer ? Pouvons-nous participer à la résolution de la crise du logement… tout en générant un rendement raisonnable, durable ?
Derrière ces chiffres, il y a des familles, des jeunes, des travailleurs modestes, des retraités isolés. Le logement est redevenu un facteur de précarité, et donc un sujet politique, social… mais aussi économique.
Le logement n’est pas une classe d’actif en vogue chez les investisseurs institutionnels. Trop encadré, trop politique, pas assez de TRI à court terme. On lui préfère l’immobilier tertiaire, les infrastructures ou le private equity.
Mais cette posture n’est plus soutenable, car la crise du logement est un risque systémique :
Et surtout : même quand on n’investit pas directement dans le logement, on en subit les effets. La tension résidentielle affecte le commerce, la logistique urbaine, les mobilités, l’emploi local. Le logement est au cœur de la fabrique urbaine.
À ce titre, la crise actuelle fragilise également l’économie dans son ensemble. Selon une étude de la CFE-CGC, près de 30 % des offres d’emploi ne sont pas pourvues dans certaines zones tendues faute de logements abordables pour les salariés. Ce phénomène freine le recrutement, l’installation des jeunes actifs, et la mobilité professionnelle. Il a également des effets en cascade sur d'autres secteurs de l'immobilier : bureaux vacants faute d'entreprises qui s’implantent, commerces affaiblis par la baisse de la population locale, baisse d’attractivité des territoires pourtant dynamiques économiquement .
À l’échelle européenne, le constat est partagé : le logement abordable représente à peine 11 % des ménages dans l’UE et au Royaume-Uni, un taux en recul depuis dix ans. Selon JLL (European Affordable Housing, 2024), 23 millions de ménages sont aujourd’hui en situation de « suroccupation financière » (plus de 40 % de leurs revenus consacrés au logement). Pour répondre à cette demande, le parc abordable devrait presque doubler, ce qui équivaudrait à un besoin d’investissement estimé à 5 300 milliards d’euros.
La France fait figure de bon élève sur certains aspects : le pays consacre 1,2 % de son PIB au logement (contre 0,2 % en Allemagne ou 0,03 % au Danemark pour le logement social). Elle est aussi l’un des seuls pays avec l’Irlande et l’Espagne à avoir vu progresser la part de logements abordables dans les dix dernières années (+14,7 %).
Mais le déficit reste considérable. D’autant que l’investissement institutionnel dans ce secteur reste marginal : moins de 1 % des actifs, selon JLL. En France, les assureurs (ex. CDC, BNP Paribas Cardif, SG Insurance) commencent à se mobiliser, notamment à travers des fonds dédiés à l’habitat intermédiaire.
En Allemagne, on observe une forte croissance du segment locatif régulé (intermédiaire), mais une baisse de près de 30 % du stock social historique, du fait de ventes de patrimoine public. En Espagne, les projets comme le Plan Vive à Madrid illustrent la montée en puissance des partenariats public-privé pour produire du logement à loyers maîtrisés.
En résumé : le marché est en ébullition. Les stratégies se structurent. Et les investisseurs commencent (enfin) à se positionner sur ce qu’on peut considérer comme la prochaine grande classe d’actifs à impact.
Mais le logement peut aussi être une opportunité. Un investissement à impact réel, socialement utile et financièrement solide.
On confond trop souvent "investissement à impact" avec "investissement militant" ou "charité". Pourtant, loger décemment, c'est économiquement rentable.
Une étude Oliver Wyman pour le collectif Alerte chiffre le coût de la pauvreté entre 51 et 67 milliards d'euros par an (source : Le Monde, octobre 2024). Améliorer l'accès au logement, c'est réduire ce fardeau, soulager les finances publiques et dégager des externalités positives sur l'ensemble du tissu économique.
Mais soyons clairs : les investisseurs rétorquent souvent que ce n'est pas à eux de financer les politiques sociales. Et dans les faits, ils ne le font pas sans impulsion publique. En France, ce sont des outils comme le Fonds Tonus, le Fonds pour le Logement Intermédiaire (FLI), ou encore les engagements de la CDC qui ont permis de structurer un marché de l’investissement institutionnel dans le logement abordable. En dehors de ces dispositifs, l'appétit reste limité.
Côté particuliers, les solutions d’investissement "retail" dans le logement abordable sont quasi inexistantes. Le logement social ou intermédiaire reste encore aujourd’hui hors des radars de la majorité des CGP et des réseaux bancaires.
Pourtant, un modèle solide est possible. Il repose sur trois piliers :
Investir dans le logement abordable, c’est donc possible. Mais cela suppose une ingénierie dédiée, un écosystème structuré, et une volonté claire d’aligner stratégie d’investissement et intérêt général.
Concrètement, un modèle bien structuré – c'est-à-dire sans dette, adossé à des revenus locatifs sécurisés et à un actif tangible – permet de viser des TRI nets de 5 à 6 %, avec une réelle visibilité sur la durée.
Voici trois leviers concrets pour réconcilier performance et utilité, chacun avec ses spécificités et ses conditions de réussite :
Le principe est simple : séparer la pleine propriété entre un usufruitier (généralement un bailleur social ou institutionnel) et un nu-propriétaire (investisseur privé ou institutionnel). L’usufruit est détenu pendant 15 à 20 ans, période durant laquelle le bailleur exploite le logement, en assure la gestion locative et l’entretien. L’investisseur conserve la nue-propriété, sans charges ni fiscalité sur les loyers.
Résultat :
Ce mécanisme permet un alignement des intérêts entre acteurs publics et privés, en réduisant les risques et en maximisant l’impact social tout en sécurisant le rendement.
Les OFS introduisent une dissociation entre le foncier (propriété de l’organisme) et le bâti (vendu ou loué à des ménages modestes). Cette dissociation permet de réduire fortement le prix d’acquisition et d’ancrer durablement l’abordabilité dans les territoires.
Ce modèle s’appuie sur :
L’OFS est particulièrement adapté aux zones tendues où le prix du foncier est le principal obstacle à la production de logements abordables. Il peut aussi être intégré à des stratégies d’acquisition pour investisseurs à impact souhaitant combiner fiscalité avantageuse et ancrage local.
Il ne s’agit plus simplement d’acheter un actif immobilier, mais de concevoir un montage dans lequel chaque acteur a un rôle précis et une création de valeur définie. L’intermédiation, c’est articuler investisseurs, opérateurs, collectivités et usagers dans un schéma où chacun trouve sa place.
Cela implique :
Ce type d’ingénierie permet de répondre à la complexité du logement abordable dans les zones tendues, tout en offrant à l’investisseur des garanties de sortie, de rendement et d’impact. Il peut prendre la forme de fonds à impact, de SCI à objet social, ou encore de SPV montées en club deal.
Exemple : Programme national de logement intermédiaire
En mars 2024, l’État français, la Caisse des Dépôts et 14 assureurs ont annoncé la mobilisation de près d’un milliard d’euros pour financer 10 000 logements intermédiaires dans les zones tendues.
Montage :
Impact :
Faire de l’ingénierie financière un levier de transformation sociale, c’est possible. À condition d’avoir les bons outils, les bons partenaires, et une vision long terme.
C’est exactement la philosophie du fonds Habitat Nova porté par Luso IM :
Avec Habitat Nova, le logement n’est pas une case à cocher. C’est le cœur de la stratégie. Un outil de transformation durable pour les territoires… et pour les investisseurs.